Saint Yves-de-la-Vérité et autres moyens d’appeler la mort

Anatole Le Braz

Comment attirer la mort sur quelqu’un ?

En Bretagne, jusqu’au début du XXe siècle, il existait différentes pratiques allant dans ce sens. Le grand folkloriste ­Anatole Le Braz (1859-1926), auteur de La Légende de la mort chez les Bretons armoricains et de Au pays des pardons, a rassemblé plusieurs témoignages sur les manières de « vouer » quelqu’un, c’est-à-dire de le faire mourir.

L’une de ces pratiques, en usage dans les environs de Tréguier (Côtes-d’Armor), consistait à demander à saint Yves de trancher entre deux adversaires : celui qui avait tort dépérissait et mourait dans le délai prescrit.

Une sélection de ces textes vient d’être rééditée chez Stéphane Batigne Éditeur dans la collection «Croyances et traditions populaires en Bretagne», sous le titre: Saint Yves-de-la-Vérité et autres moyens d’appeler la mort.

Avec ces récits aussi saisissants que savoureux, Anatole Le Braz nous replonge dans des croyances disparues, aux confins de la superstition et de la religion.

  • Stéphane Batigne éditeur, 2020
  • 84 pages
  • 10 x 15 cm
  • ISBN : 979-10-90887-80-0

Extrait

Une vapeur diffuse emplissait le sanctuaire qui ne recevait de jour que par la porte et par une espèce de lucarne percée dans un des murs latéraux. Au fond, était dressé un autel en maçonnerie, blanchi à la chaux, où, sur la table de pierre, sans nappe ni ornements, une rangée de saints s’appuyaient les uns aux autres, épaule contre épaule, comme une bande d’hommes ivres. Ils avaient pour la plupart des traits à la fois rudes et bénins, encadrés d’une chevelure moutonneuse et d’une barbe en collier, et rappelaient à s’y méprendre les gens de notre entourage habituel, pêcheurs du Trieux et mariniers de Jaudy. Une statue isolée occupait l’encoignure de droite ; c’était elle que me désignait Mônik. Elle était de taille humaine, beaucoup plus haute que les précédentes, mais tout aussi fruste ; le bois en était fendillé, pourri, entaché de lèpres et de moisissures. La figure seule avait gardé les traces d’un peinturlurage ancien, étrangement blêmi, et sa pâleur mate semblait luire dans l’ombre, comme si elle eût été phosphorescente. On aurait dit la face d’un mort, éclairée d’un reflet de cierges.

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