15 septembre 2022
Parution du nouveau roman de Myriam Chenard: «Les ombres du silence»
Le 15 septembre prochain, deux ans après Le disparu de la plage, Myriam Chenard revient nous offrir un nouveau roman captivant ancré dans l’histoire récente de la Bretagne: Les ombres du silence.
En 2020, au sortir du premier confinement, paraissait le premier roman d’une autrice de Fougères, habituée des concours de nouvelles (elle en a remporté plusieurs et a publié deux recueils). Heureux mélange d’enquête historique, de dévoilement de secrets de famille, d’exploration de la Côte d’Émeraude et d’histoire sentimentale, Le disparu de la plage allait connaître une belle carrière, ponctuée par trois prix littéraires (dont le Prix du roman populaire d’Elven) et de nombreux coups de cœur de lecteurs et de libraires.
Avec Les ombres du silence, Myriam Chenard reprend les ingrédients qui ont fait le succès de son premier roman en affichant une grande maîtrise de la narration pour tenir les lecteurs et lectrices en haleine tout au long de ses quelque 400 pages.
Deux destins singuliers, à soixante ans d’intervalle
L’histoire des Ombres du silence se déroule principalement dans le pays de Fougères, avec quelques incursions au Mont Saint-Michel, à Rennes et sur la Côte d’Émeraude. On y suit deux trajectoires, l’une en 1943-1944, l’autre en 2010. Trajectoires qui vont bien évidemment se rejoindre après quelques péripéties…
Gwenn, le personnage principal du récit de 2010, est une jeune femme sourde qui exerce le métier de guide touristique au Mont Saint-Michel. Alors que la saison touche à sa fin et qu’elle s’apprête à rejoindre son petit ami aux Antilles, elle apprend que son père, atteint de leucémie, a impérativement besoin d’une greffe de moelle osseuse. Or, ni elle ni son frère ne peuvent être donneurs.
Gwenn se lance donc dans une recherche des origines familiales de son père, laissées dans l’ombre depuis des dizaines d’années. Cette quête la conduit à Fougères et ses environs, où elle renoue contact avec une vieille tante, fouille caves et greniers, découvre de vieilles lettres, explore les remparts du château médiéval de la ville, rencontre plusieurs personnes intrigantes et réalise peu à peu que la clé de son histoire familiale est liée aux bombardements qui ont frappé la ville en juin 1944.
En parallèle, nous suivons le récit de Blanche, elle aussi sourde, mais qui se déroule plus de 65 ans auparavant, à Fougères et dans les villages alentours, alors que la région est occupée par les Allemands. Nous découvrons progressivement le destin hors du commun d’une jeune femme confrontée à l’exclusion et au mépris de sa famille et d’une partie de la société, mais dont les grandes qualités humaines et artistiques la conduisent à choisir son propre chemin.
Questions à Myriam Chenard
Dans Les ombres du silence, deux des personnages principaux sont sourds, aux prises avec les difficultés que pose leur handicap au quotidien. Qu’est-ce qui t’a amenée à traiter ce sujet ? Es-tu personnellement concernée, dans ton entourage, par la surdité, par le handicap ?
J’ai eu l’occasion de travailler avec l’Institut Paul Cézanne de Fougères, un établissement médico-social qui propose l’accompagnement de jeunes en situation de handicap sensoriel et de troubles du langage, et j’ai constaté le travail formidable qu’ils réalisent pour aider les personnes sourdes dans leur quotidien et pour leur intégration. Ils m’ont d’ailleurs mise en situation de surdité (dictée avec boules Quies et casque anti-bruits) : c’était très troublant et en même temps très enrichissant. En commençant ce roman, j’ai eu envie de créer un personnage sourd (Blanche) vivant au moment de la guerre, lorsque l’Institut était encore géré par les Sœurs de Rillé. Et puis, j’ai trouvé intéressant d’évoquer ce handicap aujourd’hui, afin de montrer l’évolution de sa prise en charge. C’est pour cela que mon personnage principal, Gwenn, est aussi atteint de surdité. Je dois reconnaître qu’en écrivant leur histoire, je me suis beaucoup attachée à ces deux personnages et que leurs difficultés m’ont beaucoup touchée. D’autant plus que je suis quelqu’un de très sensible au bruit et que j’ai dû donc faire abstraction des sons pour écrire cette histoire. Pour une musicienne comme moi, ça a été un véritable défi.
J’ajoute que les handicaps, les accidents de la vie sont pour moi un thème inépuisable, un thème qui m’est cher. J’aime inventer et faire évoluer des personnages qui doivent se battre tous les jours pour parvenir à vivre normalement.
L’histoire racontée dans Les ombres du silence se déroule dans le pays de Fougères, à deux périodes différentes : en 1943-1944 et en 2010. Tout au long du récit, on apprend des tas de choses sur cette ville, sur son château médiéval, sur son industrie de la chaussure et surtout sur les bombardements qui l’ont frappée au lendemain du débarquement de Normandie. Comme avec Le disparu de la plage, tu sembles toujours très intéressée par l’histoire récente de la Bretagne ? Est-ce que cet intérêt est récent ou t’accompagne-t-il depuis toujours ?
Quand je commence l’écriture d’une histoire, j’ai absolument besoin de créer un cadre spatio-temporel pour y placer mes personnages. Où vivent-ils et que s’est-il passé en ce lieu ? J’aime lier l’histoire que je raconte à l’Histoire avec un grand H, mais aussi aux petites histoires locales. C’est ce qui fait l’identité d’une région, de mes personnages.
Lorsque je me suis installée dans le pays de Fougères, il y a plus de dix ans, j’ai assisté par hasard à une commémoration du bombardement de la ville au cours de laquelle des lettres d’habitants rescapés étaient lues. Ces lectures étaient très émouvantes et elles m’ont profondément marquées, alors que je ne connaissais pas cette période tourmentée de la ville. Avant de commencer l’écriture des Ombres du silence, je me suis donc beaucoup documentée, en lisant des témoignages, en visionnant des vidéos, en consultant des récits historiques. Aujourd’hui, quand je vois ce qui se passe en Ukraine, je me dis que les tragédies humaines causées par les guerres et les bombardements sont toujours d’actualité.
Le disparu de la plage a connu un certain succès auprès des lecteurs et lectrices, mais aussi en recevant trois prix littéraires. Cet accueil très positif t’a-t-il influencée dans l’écriture des Ombres du silence ? Comment reçois-tu cet intérêt et ces commentaires ?
Les Ombres du silence était déjà achevé lorsque j’ai reçu les prix donc je ne peux pas dire que cela m’a influencée, non. En revanche, il est clair que cela me motive à poursuivre. C’est une reconnaissance vraiment importante pour moi et je suis extrêmement fière de ces trois prix. J’espère que ce nouveau roman répondra aux attentes des lecteurs et lectrices.
Certains commentateurs ont qualifié Le disparu de la plage de roman feel good, en notant qu’il véhiculait des valeurs positives et qu’il ne comportait pas de scènes violentes. D’autres l’ont classé avec les polars, même s’il ne s’agit pas d’une enquête policière. Avec Les ombres du silence, la part historique est encore plus présente. Comment te situes-tu par rapport à toutes ces classifications ? Est-ce important pour toi ?
Lors de rencontres avec des lecteurs, on m’a en effet souvent dit que la lecture du Disparu de la plage faisait du bien, que l’héroïne était attachante. Cela me fait plaisir, parce que c’est vrai que j’aime faire passer des messages positifs. Par ailleurs, le fait d’écrire beaucoup de nouvelles m’a appris à créer des intrigues avec des rebondissements, à tenir les lecteurs en haleine. Dans mes romans, je peux approfondir les intrigues et les personnages, développer leurs relations et leurs personnalités, créer des histoires plus complexes. Ceci dit, quand j’écris un roman, je ne cherche pas a priori à rentrer dans telle ou telle catégorie.
Autant dans Le disparu de la plage que dans Les ombres du silence, on a l’impression d’évoluer dans un environnement toujours positif, humain, compréhensif, où même les personnages les plus «noirs» ont des raisons d’être ce qu’ils sont, souvent liées à leur enfance difficile. Est-ce un choix de ta part ?
En fait, il me semble que tous les comportements peuvent être expliqués si on essaie de les comprendre, qu’il y a toujours des raisons qui éclairent un trait de caractère, une attitude. Cela vient probablement de mon métier d’enseignante. J’ai travaillé longtemps avec des enfants de maternelle qui ne savaient pas toujours exprimer leurs émotions par des mots. J’ai toujours eu à cœur de comprendre les raisons d’une attitude, d’un comportement. Dans mes intrigues, il me semble essentiel de remonter aux sources pour comprendre tel ou tel personnage. Le roman permet cela.