«Un témoignage rare, cinq anciennes agricultrices bretonnes prennent la parole dans « Paroles d’agricultrices »», France Bleu Armorique

Interview de Monique Danion (Paroles d’agricultrices, évolution de la ruralité à La Vraie-Croix) par Valentin Belleville à l’antenne de France Bleu Armorique (22 septembre 2023)

Cinq agricultrices morbihannaises à la retraite racontent un demi-siècle de vie à la ferme dans le livre-témoignage « Paroles d’agricultrices », publié par l’éditeur Stéphane Batigne. Le lancement du livre, en présences des auteures, se tient à la médiathèque de La Vraie-Croix, samedi 23 septembre.

Dans "Paroles d'agricultrices", cinq anciennes agricultrices de La Vraie-Croix (56), racontent leur vie à la ferme depuis l'après-guerre. Dans "Paroles d'agricultrices", cinq anciennes agricultrices de La Vraie-Croix (56), racontent leur vie à la ferme depuis l'après-guerre.
Dans « Paroles d’agricultrices », cinq anciennes agricultrices de La Vraie-Croix (56), racontent leur vie à la ferme depuis l’après-guerre. © AFP – Maylis Rolland

Cette fois, c’est elles que l’on entend. Pas leur père, ni leur frère ou leur mari. Aujourd’hui à la retraite, cinq anciennes agricultrices morbihannaises racontent un demi-siècle de vie à la ferme qui s’est souvent écrite au masculin. Des témoignages rares qui dressent un tableau de la vie à La Vraie-Croix (Morbihan) depuis l’après-guerre, publiés dans « Paroles d’agricultrices », publié par l’éditeur indépendant Stéphane Batigne.

Le lancement du livre a lieu ce samedi 23 septembre à la médiathèque de La Vraie-Croix, près de Questembert. L’une des auteures, Monique Danion, était l’invitée de France Bleu Armorique, ce vendredi.

« En épousant l’homme, la femme épousait la ferme »

« Être agricultrice à l’époque, c’était être ayant-droit de son conjoint, de son mari, puisque d’abord, il y avait très peu de femmes qui étaient indépendantes. Celles qui étaient cheffe d’exploitation, c’était uniquement les veuves et il n’y en avait pas beaucoup. Pour une grande majorité, nous étions des travailleuses au noir, on n’avait pas du tout de statut« , raconte Monique Danion.

Mais dans le Morbihan, lors de l’après guerre, plusieurs femmes ont des envies d’émancipation. Au moment de son mariage avec un agriculteur, Bernard, en 1969, Monique Danion, elle-même fille d’agriculteurs, pose ses conditions : il ne faudra pas compter sur elle pour la ferme, elle voulait être enseignante : »A l’époque, se marier agriculteur voulait dire épouser l’homme, mais aussi le métier. Mais moi, je m’étais dit non. D’abord, j’avais vu ma mère trimer, Je n’avais pas envie d’être comme elle. Et ensuite, j’avais eu la chance d’avoir pu aller à l’école un peu plus longtemps que d’autres. Et donc je m’étais dit moi, je veux être enseignante« .

C’était une chose  très rare de ne pas aider son mari à la ferme à l’époque. L’enseignante a rapidement ressenti la pression sociale qui accompagnait son choix : « Les gens disaient que je n’allais pas réussir. le banquier disait que ce n’était pas possible, d’autant qu’il exigeait souvent que la femme travaille avec son mari, c’était une garantie de réussite, et donc une garantie que l’emprunt soit remboursé. »

Monique Danion n’enseignera que quelques années. Car, vivre à la ferme, c’est parfois courir derrière les vaches qui se sont échappées, et s’en occuper de temps en temps : »De fil en aiguille, je me suis intéressée au métier puis j’ai rencontré des agricultrices qui me semblaient épanouies dans leur métier, grâce justement à des rencontres qui étaient organisées par des groupements de vulgarisation agricole (GVA). Et puis un jour, il a fallu prendre un salarié à la ferme car elle était devenu importante et j’ai fait le choix d’y travailler. Et je ne regrette pas du tout« .

Création de groupes d’échanges entre agricultrices

Au début des années 60, la création des groupements de vulgarisation agricoles offre des nouveaux horizons aux femmes d’agriculteurs. Plusieurs d’entre elles, à La Vraie-Croix, créent une section féminine, dont Monique Danion prend la tête. Pour une fois, les hommes ne leur coupent pas la parole.

Ces agricultrices se retrouvent régulièrement pour échanger sur les techniques agricoles, les conditions de travail, la vie à la ferme ou encore l’éducation des enfants : »Au début dans ces groupes, les hommes parlaient beaucoup de technique et apprenaient à cultiver les champs. Ce n’était pas leur métier, mais les femmes s’y intéressaient et certaines avaient envie de parler. Dans un groupe masculin, ce n’était pas évident. En créant nos groupes féminin, ça a rassuré les agricultrices, elles ont appris à s’exprimer et ainsi prendre un peu plus d’indépendance. Et aussi, il ne faut pas l’oublier, de participer plus activement au développement des exploitations agricoles. »

Maire de La Vraie-Croix en 1995, puis Vice-présidente de Questembert Communauté, Monique Danion a même élue à la Région, c’est Jean-Yves Le Drian qui était venu la trouver lorsqu’il cherchait quelqu’un qui « parle au monde agricole« . Tous ces mandats n’ont pas été facile à mener se souvient l’agricultrice : « Les hommes étaient d’accord que les femmes y aillent, mais la femme des autres... », ironise Monique Danion.

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